Le Damné de Sithis

Ils n'arrêtaient pas d'envoyer des agents depuis peu, pensa Haegar, en approchant des écuries. Cela avait été quelque peu tranquille, mais ils reprenaient leur campagne d'éradication de la Confrérie. L'assassin ne comprenait toujours pas, et pourtant on le lui avait expliqué plus d'une fois, mais ça n'était jamais rentré. Ils ne faisaient rien de mal pour lui, c'était sans doute sa réponse la plus probable. Encore eut-il fallu qu'il eut une quelconque idée de ce qu'était le mal, ou de ce que pouvait être le bien...
Tout ce qui lui importait, c'était que dans une des grandes maisons de la cité, non loin du Palais Bleu, un inspecteur du nom de Tyrius, chargé par l'Empire d'enquêter sur la Confrérie Noire et de mettre un terme à ses agissements, attendait qu'une lame lui passe au travers du cœur.

Il arriva au niveau du moulin de pierre, dont les quatre vastes pales tournaient mollement dans la brise du soir, et descendit de son cheval, qu'il avait tranquillement mené depuis Aubétoile. Trois longs jours de voyage dans le froid, la brume et la pluie, pour arriver par un clair et frais soir en vue ds hauts murs de la capitale. Il s'approcha de deux hommes, en train de discuter, et leur tendit la longe de sa monture.
« Hé, je crois que tu sais pas très bien comment ça fonctionne ici, oreilles pointues ! l'invectiva le premier.
_ Ouais... Ici, on paie d'avance, reprit son camarade, bras croisés, menton levé.
_ Je peux payer en acier.
_ En... eh, écoute, on aime pas trop ça les menaces. Tu sais que les gardes ne sont pas loin.
_ Si je tire ma lame maintenant, il y a deux chances sur trois pour que vous soyez morts tous les deux avants d'avoir pu appeler le moindre soldat.
_ Et la dernière chance ? ironisa le premier.
_ Un des deux a le temps de crier, je le tue, et je m'en vais avant que la garde arrive. Ce qui ne vous laisse pas beaucoup de chances de vous en sortir vivants. Et moi toutes de m'en aller sans encombres.
_ Mais t'es qui toi ?
_ Vous vous en moquez. Par contre, lui, c'est Fumée... Vous serez gentils de ne pas le brusquer, il n'aime pas être manipulé par un autre que moi. »

Il leur tendit derechef la longe, posant tranquillement la main sur une des poignées de la menaçante rangée de lames qui trônaient à sa ceinture. Réticent, le propriétaire de l'écurie saisit les lacets de cuir et mena doucement le cheval vers l'une des stalles, tandis qu'Haegar se dirigeait à pieds vers les portes de la cité.
Il passa au beau milieu d'un petit flot de voyageurs et de marchands qui entraient et sortaient de la principale ville du pays, un visage inconnu de plus entre tous les autres. Pas un seul garde ne fit particulièrement attention à lui.
Sitôt la porte passée, au moment où se diluait le courant de personnes sur la grande place, il s'évapora.

Cet anneau était d'un pratique inégalable. Bien qu'en existent des versions bien plus efficaces et puissantes, qui permettaient tout bonnement de disparaître pour un temps indéfini, il n'avait jamais mis la main sur aucun artefact de ce genre. Mais celui qu'il avait lui convenait parfaitement. De temps en temps, il s'en servait pour leurrer ses victimes, s'évanouir dans la foule, ou bien comme ici se soustraire à la lointaine vue des gardes. Il était toujours dangereux de le faire en public, quelqu'un qui disparaît est hautement suspect, mais pour traverser une cité à l'abri des regards indiscrets, c'était parfait.

Simple difformité dans les airs, il se dirigea donc tranquillement vers la villa de sa cible.